Départ 9h pour Ferrare qui acquit son prestige et son rayonnement grâce à la famille d’Este.
Née autour d’un gué sur le Pô, la ville avait été un centre médiéval important, une ville libre avec ses propres lois et sa propre monnaie, mais ce fut seulement sous la famille d’Este
aux XVe et XVIe siècles, qu’elle allait devenir une capitale de renommée internationale d’une grande importance pour les arts, l’économie, l’idéologie et la religion. La cour s’épanouit dans la splendeur et, durant deux siècles, fut l’égale de villes comme Florence et Venise ou d’autres grandes cours européennes de France ou d’Espagne, attirant les plus grands artistes et esprits de la Renaissance italienne. Piero della Francesca, Jacopo Bellini et Andrea Mantegna décorèrent les palais de la maison d’Este.
En 1430, l’humaniste Guarino de Vérone est nommé précepteur des enfants de la maison d’Este. Ses enseignements, qui attirent de nombreux jeunes hommes à Ferrare, deviennent publics en 1436 par la volonté du prince. Traducteur de Pline, Strabon, Cicéron et Plutarque, il offre à ses élèves une éducation humaniste, très différente de la scolastique médiévale.
Les conceptions humanistes de la ville idéale prirent corps ici dans les quartiers bâtis, à partir de 1492, par Biagio Rossetti selon les nouveaux principes de la perspective. Cette réalisation marqua la naissance de l’urbanisme moderne et son évolution ultérieure.
On fait d’abord un tour panoramique en bus le long des remparts pour mesurer l’immensité du périmètre (9 km) et de la promenade ombragée qu’ils permettent…
Puis on entre à pied dans la ville par la Via Ercole Ier qui ordonna le réaménagement de la ville médiévale et on admire le Palais des Diamants, l’un des exemples les plus marquants de l’architecture européenne de la Renaissance. Financé par Ercole Ier (1471-1505), le palais est construit en 1492 dans l’axe de l’Addizione Erculea, par l’architecte Biagio Rossetti.
Elle est caractérisée principalement par le style Bugnato qui marque le relief des façades du bâtiment avec plus de 8 500 blocs de marbre taillés en forme de pointes de diamant.
On arrive devant l’un des plus beaux châteaux de la Renaissance, le Château d’Este : des artistes comme Piero della Francesca, Mantegna et Michel-Ange y travaillèrent. Avec le large soutien de ces artistes, la famille d’Este créa le premier exemple de studiolo et leur cabinet de collection d’art devint un modèle aussi bien pour la famille des Médicis que pour le pape.
C’est ici que l’Arioste créa son Orlando Furioso : sa maison fut construite par l’écrivain à partir de 1526 ; il y mourut en 1532. Ce fut une époque de festivités et de représentations, d’autant que Lucrèce Borgia épousa en 1505 un duc d’Este et devint à Ferrare la protectrice des arts.
On s’approche du Palazzo Communale…
L’entrée principale, située en face du Duomo et appelée Volto del Cavallo, est flanquée de la statue équestre du marquis Nicolas III et de celle du duc Borso d’Este en train de rendre justice, tenant le sceptre
Nous sommes face à la Cathédrale qui, avec ses 118 mètres de long, est le plus long bâtiment religieux d’Emilie-Romagne ! Sa construction a débuté au 12ème siècle, elle affiche un mélange assez unique de style roman (dans sa partie inférieure) et de style gothique (dans sa partie supérieure) mais depuis le séisme de 2012, elle est fermée.
Sur le côté du Duomo, s’aligne une succession d’anciens magasins construits au 15ème siècle et toujours en activité aujourd’hui. : c’est la Loggia dei Merciai ponctuée par le Campanile…
Dans le prolongement, nous avons poursuivi notre balade dans les petites rues très agréables de l’ancien ghetto juif de Ferrare, un des plus vieux d’Europe, qui s’étend autour des rues Via Mazzini (avec la synagogue et le Musée juif), Via Vittoria et Via Vignatagliata.
Ce sont les Ducs d’Este qui ont dès le 13ème siècle encouragé les juifs expulsés d’autres pays d’Europe, d’Espagne notamment, à venir s’installer à Ferrare. Le ghetto juif fut créé en 1627 pour les regrouper, après que la ville de Ferrare a été annexée aux Etats Pontificaux, qui avaient une approche beaucoup moins libérale…Débute alors le déclin du ghetto.
Pendant les années qui ont suivi les Lois Raciales édictées en 1938 par le gouvernement fasciste, elle devint le théâtre de persécutions et d’un massacre rappelés par l’écrivain Giorgio Bassani (1916 – 2000) dans le Jardin des Finzi-Contini (1962), porté à l’écran en 1970 par Vittorio de Sica.
Enfin, on termine la matinée en parcourant la Via delle Volte : les arcs qui la caractérisent remontent surtout aux XIIIe et XIVe siècles mais son tracé presque rectiligne remonte à la plus vieille agglomération qui longeait l’ancien cours du Pô avant sa déviation en 1152 .
Cela correspondait à des passages surélevés voûtés qui ponctuent le parcours. Ceux-ci servaient à relier les entrepôts sur la rive du fleuve aux boutiques habitées …
On rejoint alors le restaurant où on nous sert un excellent repas à une vitesse impressionnante : canneloni au potiron, escalopes et salade de fruits frais!
Nous embarquons vers 13h, direction Mantoue qui est lovée dans un méandre de la rivière Mincio, qui s’étale en trois lacs servant de protection naturelle.
C’est aussi la patrie de Virgile « le Cygne de Mantoue ». En effet, Virgile, Publius Vergilius Maro, est originaire de la Gaule cisalpine que le Rubicon séparait de l’Italie proprement dite et plus précisément, il est né le 15 octobre 70 avant J.-C. à Andes près de Mantoue au bord d’un petit fleuve alpestre : le Mincio.
Son père, intendant (vilicus) d’abord, avait acquis une petite propriété où il se consacrait, semble-t-il, surtout à l’apiculture. Virgile, après l’école de son village, poursuit ses études auprès d’un grammairien, à Crémone, puis à Milan. En 53 avant J.-C., il découvre Rome, en pleine guerre civile (assassinat de César aux Ides de mars 44, de Cicéron en 43…) ; il s’intéresse à l’éloquence, à la philosophie mais surtout, enrichit sa culture et s’exerce à la poésie.
Entre 42 et 37, il publie les Bucoliques, dix petits poèmes qui mettent en scène des bergers (βουκόλος : « bouvier ») qui se livrent à des compétitions poétiques pour chanter leurs amours, la nature ou évoquer des événements contemporains. Le succès de cette œuvre le met en contact avec un ami intime d’Octave : Mécène, un homme riche et puissant qui aime s’entourer de poètes, d’artistes, et qui les reçoit dans sa magnifique domus de l’Esquilin.
Sur les conseils de ce protecteur des arts, Virgile entreprend l’écriture des Géorgiques (γεωργία : « agriculture »), quatre livres consacrés aux travaux de la terre et aux agréments de la vie campagnarde, sorte d’hommage à Octave qui a rétabli la paix. Et Virgile, aidé par Mécène, en fera une lecture au successeur de César revenu vainqueur d’Orient en 29 avant J.-C.
Mantoue, c’est aussi le fief des Gonzague : on attend sur une berge, face au Château San Giorgio qui fait partie du Palais ducal….
On fait un rapide tour de ville en passant d’abord par la magnifique Piazza Sordello qui a gardé son caractère médiéval et qui est dominée par l’immense façade du Palazzo ducale …
On reviendra sur nos pas pour la visite du Palazzo Ducale et on se rend sur la Piazza Andrea Mantegna, petite place qui tient son nom du grand-maitre de la Renaissance italienne qui, après Padoue, vécut à Mantoue de 1460 à 1506 et a peint la Chambre des Époux dans le Palazzo Ducale (voir plus bas). Dans ses quelques mètres carrés, on trouve un condensé de l’Italie : des arcades surplombées de façades ocre jaunes, orange ou roses, d’autres médiévales, avec des briques en pierre rougeâtre, des terrasses installées sur des pavés, une église avec un campanile adjacent.
Au 1er plan, la plus vieille maison, la Maison-boutique du marchand Boniforte à la façade savamment travaillée :
Sur cette même place, on trouve la Basilique Saint-André de Mantoue(Basilica di Sant’Andrea di Mantova), une imposante basilique de style Renaissance (sauf la tour médiévale) construite par Leon Battista Alberti, LE théoricien de l’art de la Renaissance) avec un traditionnel plan en croix.
Construite à partir de 1472 à l’emplacement d’un monastère bénédictin (le campanile gothique en est l’unique vestige) sa façade en Arc de Triomphe en impose : équilibrée, sobre, surplombée d’un fronton triangulaire.
L’immense nef sans colonne ouvre le regard autant que l’espace. Puis, on est subjugué par le faste de l’intérieur ! En scrutant dans le détail, on s’aperçoit que… l’ensemble de l’ornementation est en trompe-l’œil ! Les colonnades, les moulures, les sculptures, tous les reliefs ont été peints en grisaille.
À la croisée du transept, au pied de l’autel, un octogone en marbre abrite des vases en or qui contiendraient de la terre imbibée du sang du Christ. Longin, le centurion qui aurait transpercé le Christ sur la croix avec sa lance, aurait ensuite ramassé la “sainte terre”. Les reliquaires sont uniquement visibles par les pèlerins venus assister à la procession du Preziosissimo Sangue di Cristo, lors du Vendredi Saint. À la verticale, une somptueuse coupole haute de 80 mètres, rajoutée en 1732 par Filippo Juvarra.
Puis on revient sur la belle Piazza delle Erbe qui est bordée du Palazzo della Ragione, Palais de justice construit en 1250, et sa tour de l’horloge (astronomique) construite en 1472. Elle accueille également la Rotonde de San Lorenzo (à droite).
La Tour de l’Horloge, superbe horloge lunaire avec les signes du zodiaque et le temps solaire moyen. Sa réalisation a été confiée à Bartolomeo di Manfredi et il s’agit d’une des premières horloges à fonctionner mécaniquement.
Juste à côté, la Rotonde de San Lorenzo, église romane, a été bâtie en 1081, apparemment sur les ruines d’un ancien temple du IVe siècle. Toutefois, sa forme circulaire ferait référence au Saint Sépulcre, en lien avec la relique du Sang du Christ qui se trouve dans la Basilique de Sant’Andrea. Après avoir été déconsacrée en 1579 par le Duc Guglielmo Gonzaga, elle est devenue un simple entrepôt au cœur de quartier juif de Mantoue. Située en-dessous du niveau de la Piazza delle Erbe, elle a été redécouverte au XXe siècle lors de travaux.
On revient encore sur nos pas pour visiter le Palazzo Ducale : ses bâtiments, construits à différentes époques, s’étalent sur une surface de 34 000m2 et abritent quelques 900 pièces! dont la fameuse Chambre des Epoux aux merveilleuses fresques peintes par Mantegna entre 1465 et 1474…
Sur les murs, deux peintures décorent la chambre de Ludovico III Gonzague.
Côté Ouest, La Rencontre (affresco dell’incontro) figure une scène où le Marquis revenant de Milan alors qu’il rencontre deux de ses fils qui en reviennent (Federico qui lui succédera et le cardinal Francesco). Le triptyque est également composé de chevaux et chiens dans un paysage mêlant nature et cités (dont une Rome idéalisée). ..
Côté Nord, La Cour (affresco della Corte). Louis III y est représenté au milieu de sa famille et ses courtisans alors qu’un homme arrive à ses côtés. Certains personnages sont par-dessus les colonnes en trompe-l’œil, donnant ainsi l’impression qu’ils sont dans l’espace réel de la pièce (juste la question de l’échelle nuit à l’illusion suggérée).
le plafond et son fameux oculus en trompe-l’œil. Il y a bien le ciel, les oiseaux et… les fesses des Anges. Tout est là, avec cette vue en contre-plongée, merveille technique de raccourci qui suggère la profondeur … et cette fraîcheur des couleurs !!
Après 5 mn de contemplation, on enchaine les salles (environ 50) exposant tableaux, sculptures, fresques, objets… La plupart sont décorées avec faste et, parfois, extravagance ! Parmi les plus notables, j’ai été particulièrement marquée par la salle du zodiaque et son plafond céleste…
la grandiose galerie des glaces,
la salle des rivières (et sa fontaine) donnant sur un jardin intérieur suspendu.
les salles 33-36 avec leurs grandes tapisseries murales réalisées en Flandres sur des cartons de Raphaël…
On sort du palais vers 17 h 30 et on arpente la Piazza Sordello où se trouve la maison de Rigoletto… transformée en Office de tourisme.
On rentre à Bologne après une belle journée.